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La semaine du droit rural

Civil - Immobilier
25/05/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit rural, la semaine du 17 mai 2021.
Bail rural – congé pour reprise
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 (Date décès 1) 2019), par acte du 11 avril 2000, F. S a donné à bail rural à M. O une parcelle de terre avec ferme pour une durée de dix-huit ans à compter du 11 (Date décès 1) 1999.
Par acte du 9 mai 2016, Mme D.S et MM. R, X et M. S, héritiers de la bailleresse décédée en (Date décès 1) 2013, ont délivré à M. O un congé pour reprise au bénéfice de M. Z. S, fils de M. M. S.
Le preneur a saisi le tribunal en annulation de ce congé.
 
Vu l’article L. 331-2, II du Code rural et de la pêche maritime :
Ce texte dispose : «  Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies :
1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ;
2° Les biens sont libres de location ;
3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins [...].  »
Pour retenir que l’opération est soumise à une autorisation préalable et ne peut bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration préalable, l’arrêt retient que la condition de détention pendant neuf ans au moins du bien transmis doit être remplie en la seule personne de l’auteur de cette transmission, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les consorts S ne justifient pas à la date d’effet du congé d’une détention de neuf ans au moins, dès lors qu’ils ne sont devenus propriétaires des biens qu’ au décès de leur mère, survenu le (Date décès 1) 2013.
En statuant ainsi, alors que la condition de durée de détention du bien objet du congé peut désormais être appréciée en la personne de tout parent ou allié du bénéficiaire de la reprise jusqu’au troisième degré inclus, ce qui autorise le cumul de détentions successives par plusieurs de ces parent ou allié, la cour d’appel, qui a à bon droit pris en compte la période au cours de laquelle les consorts S ont détenu le bien en qualité d’indivisaires, mais qui a refusé d’additionner cette détention avec celle de leur mère, en qualité de propriétaire puis d’usufruitière, a violé le texte susvisé ».
Cass. 3ème civ., 20 mai 2021, n° 20-15.178, FS-P *
 

SAFER – objectifs – exigences légales
« Selon l’arrêt attaqué (Limoges, 26 septembre 2019), la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Marche-Limousin, aux droits de laquelle vient la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Nouvelle Aquitaine (la SAFER), bénéficiaire d’une promesse de vente de diverses parcelles appartenant aux consorts R, a procédé aux formalités de publicité en vue de la rétrocession de tout ou partie de ces parcelles par voie de substitution.
Par lettre du 6 octobre 2016, elle a informé le Groupement foncier agricole La Chassagne (le GFA) que sa candidature avait été rejetée et que les parcelles avaient été attribuées pour un peu plus de soixante-six hectares aux consorts X. O et pour un peu plus de deux hectares à M. et Mme Z.
Le GFA a saisi le tribunal en annulation de ces décisions et réparation de ses préjudices.
 
La cour d’appel a, d’une part, retenu à bon droit que les critiques développées par le GFA quant au choix de privilégier l’installation, comme jeune agriculteur, de Mme Y. O plutôt que celle de MM. R et E. S, ayant alors une activité d’entrepreneurs en travaux agricoles et forestiers au sein de la SARL S, relevaient de l’opportunité de la décision d’attribution dont le contrôle échappe au juge judiciaire.
Elle a, d’autre part, relevé que la décision de rétrocession aux consorts X. O était ainsi motivée : « installation d’une jeune agricultrice qualifiée au sein d’un GAEC familial qui comprendra trois associés, le projet prévoit la conversion à terme de la totalité de l’exploitation en agriculture biologique, ce projet est étroitement lié à la protection d’un captage d’eau présent sur l’exploitation limitant les intrants sur une surface d’environ 40 hectares, le développement de l’exploitation implique l’embauche d’un salarié à plein temps. »
Elle a pu en déduire que cette motivation avait été fondée sur des données concrètes en concordance avec les objectifs poursuivis, et répondant aux exigences de la loi.
Le moyen n’est donc pas fondé de ce chef.
 
Vu les articles L. 141-1 et R. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime :
Selon le premier de ces textes, les interventions des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural tendent à favoriser l’installation, le maintien et la consolidation des exploitations agricoles ou forestières, afin qu’elles atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ainsi que l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations.
Selon le second, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural qui attribue un bien acquis à l’amiable informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix.
Pour rejeter les demandes d’annulation du GFA, l’arrêt retient que la décision de rétrocession à M. et Mme Z a été motivée par la consolidation de leur exploitation par l’apport d’une parcelle contigüe de 2 ha 64 a 45 ca et que cette motivation est fondée sur une donnée très concrète qui n’est critiquée par le GFA que pour dire que l’ajout de cette parcelle sur environ 180 hectares exploités n’a pas pu augmenter « significativement » la performance économique de l’exploitation, mais qu’elle a ainsi et suffisamment répondu à l’exigence légale de consolidation de l’exploitation et d’amélioration de la répartition parcellaire.
En statuant ainsi, alors que la motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, sans que le juge ait à rechercher ces données et alors qu’en l’espèce, elle avait relevé, par motifs adoptés, que la décision de rétrocession se bornait à énoncer : « Consolidation d’une exploitation agricole par apport de parcelle contigüe », la cour d’appel a violé les textes susvisés.
 
Vu l’article 624 du Code de procédure civile :
Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
La cassation prononcée sur le premier moyen pris en sa troisième branche entraîne, par voie de conséquence, l’annulation de la condamnation du GFA à payer la somme de 1 000 euros à M. et Mme Z en réparation de leur préjudice moral, critiquée par le second moyen.
La cassation n’étant en revanche pas prononcée sur le premier moyen pris en ses deux premières branches, le grief tiré d’une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée en ce qu’il vise la condamnation du GFA à payer la somme de 2 000 euros aux consorts X.O en réparation de leur préjudice moral ».
Cass. 3ème civ., 20 mai 2021, n° 19-24.899, FS-P *
 

SAFER – appel à candidatures – publication
« Selon l’arrêt attaqué (Limoges, 16 janvier 2020), par acte du 3 mai 2016, les consorts K se sont obligés à vendre leurs domaines agricoles à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Marche Limousin, aux droits de laquelle est venue la (Personne géo-morale 2) (la SAFERSAFER), avec faculté pour celle-ci de se substituer une ou plusieurs personnes.
Le 13 mai 2016, la SAFER a publié un appel à candidatures en vue de la rétrocession des immeubles. Au cours de la procédure, elle a distingué les deux domaines et publié à nouveau des offres d’attribution.
En dernier lieu, la SAFER a procédé à un nouvel appel à candidatures concernant le domaine Les Biesses dont elle a exclu les bâtiments.
Par lettre du 1er décembre 2016, la SAFER a informé le groupement foncier agricole de la Chassagne (le GFA), qui s’était porté candidat à l’attribution des parcelles de ce domaine, qu’un avis défavorable à sa demande avait été émis par ses instances. Par lettre du 2 mars 2017, elle a informé le GFA de la décision de rétrocession prise au profit de trois attributaires.
Par acte du 31 août 2017, le GFA a assigné la SAFER en annulation de la décision de rétrocession du (Personne géo-morale 4). Le (Personne physico-morale 2) (le GFRGFR), M. S et le (Personne géo-morale 3) (le GAEC) sont intervenus volontairement à l’instance.
 
Vu l’article R. 142-3 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige :
Selon ce texte, avant toute décision d’attribution, les SAFER procèdent à la publication d’un appel de candidatures avec l’affichage à la mairie de la commune de la situation du bien, pendant un délai minimum de quinze jours, d’un avis comportant, notamment, la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d’urbanisme, s’il en existe. Cet avis indique le délai, qui ne peut excéder quinze jours après la fin de l’affichage, dans lequel les candidatures doivent être présentées et précise que des compléments d’information peuvent être obtenus auprès du siège de la société.
Pour rejeter la demande du GFA, l’arrêt retient que les candidatures faisant suite aux premiers appels à candidatures affichés en mairie ont toutes et d’emblée exclu la parcelle correspondant aux bâtiments du domaine et que ces acquéreurs n’avaient pas à prendre à nouveau position sur les biens proposés à la rétrocession par la SAFER.
En statuant ainsi, après avoir constaté qu’aucun des attributaires n’avait fait acte de candidature à la suite du dernier des affichages en mairie, alors que seules les candidatures postérieures à la publication d’un appel et répondant à l’offre au public, telle qu’elle est présentée par la SAFER, peuvent être retenues pour l’attribution des biens aux conditions proposées, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Cass. 3ème civ., 20 mai 2021, n° 20-14.573, FS-P *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 juin 2021
 
Source : Actualités du droit