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Actions de l'État post Lubrizol : évaluation par le Sénat

Environnement & qualité - Environnement
17/02/2022
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté son rapport d’information relatif à l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.
La commission fait notamment le constat suivant :
- 80 % des recommandations de la commission d’enquête ont donné lieu à la mise en œuvre de mesures par le Gouvernement ;
- des évolutions significatives entreront en vigueur progressivement jusqu’au 1er janvier 2027 et le renforcement des prescriptions applicables (chimie, pétrochimie, stockage de substances combustibles), nécessitera de nombreux contrôles ;
- plusieurs paramètres, relatifs à la santé de la population et aux pollutions environnementales devront être suivis dans le temps ;
- des améliorations substantielles sont encore nécessaires pour garantir notre capacité à cerner rapidement et avec précision les conséquences environnementales et sanitaires d’un tel accident.
 
Traitement des conséquences de l’accident
Quant au traitement des conséquences directes, tout d'abord, la commission constate qu’il aura fallu un an au total pour parvenir à une première remise en état des sites les plus touchés et souhaite que l’échéance de fin des travaux de dépollution, prévue au 1er septembre 2022, soit tenue. Pour ce qui concerne le suivi des conséquences sanitaires et environnementales, la commission regrette qu’il soit encore largement perfectible, essentiellement par manque de coordination. Elle déplore d’une part, la difficulté des acteurs à se coordonner dans les phases de prélèvements de données et d’autre part, des capacités insuffisantes en matière de consolidation et d’exploitation de ces données.
Ensuite, si de très nombreuses études ont été réalisées présentant des résultats « rassurants », le suivi sanitaire devra s’inscrire dans la durée, dans le respect du principe de précaution et avec les outils les plus adaptés.
Enfin, les travaux de retours d’expérience ont confirmé les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale quant aux insuffisances des politiques de prévention des risques industriels, d’évaluation et de lutte contre les pollutions environnementales et de gestion des crises majeures. Dans le prolongement de ces travaux et afin de prévenir un nouvel accident de même nature, au-delà des mesures réglementaires adoptées par le Gouvernement pas moins de huit lois entrées en vigueur au cours des deux dernières années ont permis de traiter des problématiques identifiées lors de l’accident de Rouen. 2 300 entrepôts et 2 500 sites soumis à autorisation ou classés Seveso devraient être concernés, pour un coût total allant de 1 à 3 milliards d’euros pour les exploitants. La commission salue ces évolutions. Elle attire cependant l’attention sur le fait que l’augmentation de 50 % des contrôles annoncée par le Gouvernement n’est en fait qu’un rattrapage par rapport à la situation de 2006, qui constituait un « pic de vigilance » après la catastrophe d’AZF et qu’il aura fallu attendre deux ans pour constater la hausse de 50 postes d’inspecteurs des ICPE.
 
 
Améliorations nécessaires
La commission relève que depuis deux ans, la France est devenue la 1re destination en matière d’investissements étrangers en Europe. Cette forte attractivité, doit être accompagnée par un renforcement de la sécurité environnementale, dans un objectif de conciliation entre protection des populations et de l’environnement et de développement économique territorial. La commission appelle à mieux coordonner nos outils en matière de prévention des risques industriels et de gestion de crise avec notre stratégie industrielle. Il ressort de l’analyse de l’accidentologie de la dernière décennie que rien n’indique une amélioration structurelle de la sécurité dans les établissements Seveso depuis 2013 en France. Alors que le nombre de ces établissements demeure globalement stable depuis 10 ans (autour de 1 300), notre pays compte en moyenne 3 à 6 accidents par an, en outre leurs conséquences environnementales ont enregistré la plus forte croissance depuis 2018. Cette tendance s’aggrave en 2020, en partie du fait d’un taux élevé d’accidents ayant entraîné des rejets dans les milieux et des pollutions. En outre, les procédures d’infraction récemment engagées par la Commission européenne contre la France, sur des questions de conformité à la directive de 2001 relative à l’évaluation environnementale stratégique et à la directive Seveso III de 2012 nécessitent une réaction globale.
 
Huit recommandations
 Ceci conduit la commission à formuler 8 recommandations complémentaires, structurées en 4 axes pour :
- améliorer la prévention des accidents industriels et augmenter les contrôles réalisés par l’inspection des ICPE (renforcer les programmes d’actions et de contrôles inopinés de l’inspection ; limiter la sous-traitance à trois niveaux…) ;
- renforcer l’information et assurer une meilleure participation du public à la prévention et à la gestion des risques industriels ;
- améliorer l’évaluation environnementale, le traitement et la réparation des dommages résultant d’un accident industriel ;
- définir un système et des procédures permettant d’assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.
 
Source : Actualités du droit