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Arrêté municipal contre les pesticides : annulation sans surprise par la Justice

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
05/11/2019
Le 25 octobre, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté pris par le maire de la commune de Langouët interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations et des lieux de travail. Pour le juge, le maire a outrepassé les compétences octroyées par la loi.
Plus précisément, l’arrêté litigieux interdisait l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à moins de 150 mètres d’un lieu de vie (résidentiel ou professionnel, Par une procédure de référé, engagée par le préfet d’Ille-et-Vilaine, l’arrêté avait déjà été suspendu le 27 août dernier.

Les débats sur la légalité de l’arrêté au fond, qui débutaient en octobre, avaient entraîné de vives réactions de toutes parts. Le maire de la commune avait considéré qu’on « l’empêchait de protéger sa population », alors que de son côté, le rapporteur public jugeait que l’illégalité était évidente, refusait également de reconnaître « la carence avérée » de l’État.

Le juge administratif dans sa décision a considéré que : « Si, en vertu de ces dispositions du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s’immiscer, par l’édiction d’une règlementation locale, dans l’exercice d’une police spéciale que le législateur a organisée à l’échelon national et confiée à l’État ». Il s’est appuyé sur l’article R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime qui dispose que : « L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 253-7 est le ministre chargé de l'agriculture. (…) Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l'article L. 253-7 concernent l'utilisation et la détention de produits visés à l'article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation. »
Dans tous les cas, le juge considère que l’obligation du maire d’assurer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » (CGCT, art. L. 2212-2) ne lui permettait pas d’intervenir dans ce domaine.

Une décision aux effets domino

Suite au premier arrêté du maire de Langouët, de nombreuses communes avaient emboité le pas en prenant des dispositions similaires et parmi elles plusieurs grandes villes (Paris, Lille, Clermont-Ferrand, Grenoble et Nantes) et même des départements (Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis). Se pose ainsi la question de la légalité de ces arrêtés, surtout ceux calqués sur le modèle de l’arrêté annulé. Cependant, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a récemment refusé le référé suspension du préfet des Hauts-de-Seine concernant les arrêtés anti-pesticides des villes de Gennevilliers et Sceaux. (TA Cergy-Pontoise, 8 nov. 2019, n° 1912600 et 1912597)
Quoi qu’il en soit, le sujet continue de diviser, même s’il semble qu’un mouvement se dessine pour un plus grand encadrement de ces substances. Déjà le Conseil d’État dans une décision du 26 juin 2019 a prononcé l’annulation de l’arrêté du 4 mai 2007, le considérant comme insuffisamment protecteur de la santé publique et de l’environnement (CE, 26 juin 2019, nos 415426 et 415431, Réglementation des pesticides; voir Pesticides : le Conseil d'État annule l'arrêté du 4 mai 2017, Actualités du droit, 3 juillet 2019).

Le président Emmanuel Macron avait apporté son soutien au maire de Langouët « dans ses intentions » tout en soulignant l’obligation de respecter le droit positif. Conscient cependant de ces enjeux, le gouvernement a mis en consultation publique un projet de décret et un projet d’arrêté relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation. La consultation vient de se terminer et propose une zone tampon de 5 à 10 mètres entre les lieux où sont utilisées ces substances et les habitations. À noter aussi la proposition de la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de pesticides à compter de 2020 qui vient d’être validée par l’Assemblée nationale en première lecture le 29 octobre.
La commune de Langouët dispose de deux mois pour faire appel de ce jugement, mais les experts sont d’avis qu’un tel appel n’aurait qu’une portée symbolique, la jurisprudence étant constante sur le sujet.
Source : Actualités du droit