Attestation de surface « Loi Carrez » - Action en restitution du prix et Responsabilité du mesureur mais pas que …

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Depuis désormais près d’un quart de siècle, toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot de copropriété ou d’une fraction de lot de copropriété doit mentionner la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot (Article 46 de la Loi n° 65-557 du 10 Juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis). C’est ce que l’on appelle communément la superficie Loi CARREZ.
La loi prévoit deux sanctions possibles :
- l’action en nullité qui doit être engagée dans le mois à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente en l’absence de toute mention de superficie.
- l’action en diminution du prix lorsque la superficie est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, cette action devant être intentée par l’acquéreur dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente.
Il est rappelé que l’action en diminution de prix ne connaît pas de réciprocité, autrement dit, si la surface est supérieure à celle exprimée dans l’acte, l’excédent de mesure, fût-il supérieur de plus d’un vingtième, ne donne pas lieu à un supplément de prix pour le vendeur !
L’action en diminution du prix est source d’un important contentieux qui, pendant des années, a été totalement subi par les vendeurs.
En effet, les vendeurs, à qui l’on demandait de restituer une partie du prix de vente reçu, agissaient en garantie contre le diagnostiqueur immobilier qui avait réalisé l’erreur de mesurage afin qu’il supporte la charge financière de cette diminution du prix de vente.
Or la Cour de Cassation avait alors estimé, dans une position protectrice des intérêts des diagnostiqueurs et de leurs assureurs, que la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue ne constituait pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie contre le mesureur.

Toutefois, dans un arrêt du 28 Janvier 2015, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a précisé que le vendeur pouvait se prévaloir, à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre. Toute la difficulté sera de démontrer que le bien avec sa véritable surface aurait pu se vendre au même prix.

Ainsi, dans le prolongement de cette jurisprudence, la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel d’Amiens a rendu le 7 mars 2019 (sous le numéro RG 17/03197) un arrêt dans lequel, suite à une erreur de mesurage de plus d’un vingtième (le mesurage comprenait la surface d’une cave en violation de l’article 46 de la loi du 10 Juillet 1965), les vendeurs ont été condamnés à restituer 42.041 € aux acquéreurs  mais ont réussi à démontrer l’existence d’une perte de chance de vendre le bien au même prix malgré la superficie moindre que celle mentionnée dans l’acte de vente et ont alors obtenu une indemnisation de 22.500 €.
Dans cet arrêt, le diagnostiqueur a donc été condamné à régler cette somme in solidum avec le Notaire qui avait manqué à son devoir de Conseil à l’égard des vendeurs en s’abstenant d’attirer leur attention sur le fait que l’attestation de surface qui était annexée à son acte authentique de vente englobait la surface de la cave en violation de l’article 46 de la Loi n° 65-557 du 10 Juillet 1965. (Dans leurs rapports le diagnostiqueur doit supporter 60% de la condamnation et le Notaire 40 %.)
Le Notaire ne doit donc pas se contenter d’annexer le Mesurage Loi CARREZ mais doit vérifier qu’il a été établi conformément aux critères légaux sous peine d’engager sa responsabilité civile professionnelle.
Dans un arrêt encore plus récent de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE, où les faits étaient identiques, la responsabilité du mesureur, et celle du notaire ont également été retenues tout comme également celle de l’Agent Immobilier.

Dans une autre affaire, la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 02 Juin 2016 (n° de pourvoi 15-16967) un arrêt concernant un acquéreur qui n’avait pas agi dans le délai d’un an en restitution d’une partie du prix de vente contre le vendeur. L’acquéreur avait seulement agi en responsabilité contre le mesureur en estimant que son erreur de mesurage avait causé un préjudice financier caractérisé par, d’une part, des frais bancaires liés à un prêt contracté pour un montant supérieur à celui qu’il aurait dû souscrire si la superficie avait été correctement mesurée et, d’autre part, la partie de commission d’agence correspondant à la surface « manquante ».
La Cour de Cassation admet la responsabilité du diagnostiqueur en raison du préjudice de surcoût subi par l’acquéreur.

L’erreur de mesurage d’un lot de copropriété continue donc d’être source d’un contentieux que seul un Avocat praticien du droit Immobilier saura mener à bien.
Enfin, l’attention des acquéreurs est portée sur le fait que l’appréciation de la surface s’établit selon l’état du bien au jour de la vente de sorte que si des travaux ont abouti à des modifications de la surface loi carrez (suppression / créations de cloisons, de placards, …) il sera difficile, voire impossible, de déterminer quelle était la véritable surface au jour de la vente.